mercredi 19 avril 2017

LE CALENDRIER DES VACANCES SCOLAIRES REPOSE SUR UN MYTHE

Les enfants sont censés avoir 2 semaines de congé après 7 semaines de classe. Un principe peu appliqué et surtout absurde, selon une chronobiologiste 


Publié le | Le Point.fr 
   Les vacances de Noël sont trop courtes, celles de la Toussaint et de printemps sont par contre sans bénéfice pour les enfants, selon Claire Leconte.        

Cette année encore, le calendrier des vacances scolaires suscite la polémique. Après des vacances de Toussaint qui commençaient un mercredi pour s'achever un jeudi, après une rentrée des congés de Noël un mardi, les déséquilibres subis cette année par la zone C sont pointés du doigt. Un mois à peine après avoir repris le chemin de l'école – le 3 janvier –, les petits Parisiens et leurs camarades des académies de Toulouse et de Montpellier seront de nouveau en vacances le 4 février. Pour respecter le principe du « 7/2 », soit 2 semaines de vacances après 7 semaines de classe, ils seront de nouveau en congé le 1er avril pour les vacances de Pâques. Après ces 15 jours de repos et, exception faite du pont de l'ascension fin mai, ils se lanceront dans un interminable tunnel de… 12 semaines. Certes, un certain nombre d'entre elles seront amputées d'un jour (1er et 8 mai et Pentecôte obligent), mais est-ce bien raisonnable ? Non, répond Claire Leconte, chronobiologiste, auteur de Des rythmes de vie aux rythmes scolaires (1). Mais pas pour les raisons que l'on croit. Interview à contre-courant.
Le Point.fr : Le calendrier scolaire est construit sur l'idée de l'alternance entre 7 semaines de cours et 2 semaines de vacances. Pourquoi ?
Claire Leconte : Bonne question ! En réalité, ce que l'on appelle maintenant le 7/2 est un mythe complet qui n'est étayé par aucune étude scientifique. C'est Jean-Pierre Chevènement qui l'a mis en place en 1986, sans qu'aucune évaluation n'ait eu lieu en amont pour s'assurer de son bien-fondé. Et évidemment, il n'a jamais été évalué après ! On part du principe que les enfants ont besoin de deux semaines pour récupérer : une semaine pour quitter « les chaussures de l'écolier », une semaine pour être à l'aise dans celle de vacancier, selon les mots d'un « expert ».  Mais si les parents étaient raisonnables et évitaient de complètement déréguler le sommeil de leurs enfants durant les vacances, ceux-ci n'auraient pas besoin de deux semaines ! Et tous les enseignants vous le diront : de ces 15 jours où ils se sont couchés plus tard, les enfants reviennent fatigués ! Il faut deux semaines après la rentrée pour qu'ils reprennent un rythme compatible avec le travail. Je souligne d'ailleurs que ce rythme 7/2 censé être si vertueux n'est en vigueur dans aucun autre pays au monde !
Mais d'où vient ce mythe alors ?
Les rythmes biologiques ont été découverts dans les années 50 et 60. On réalise alors que chaque individu à ses propres rythmes. Et dans le bouillonnement de ces découvertes, on se demande si on respecte les rythmes biologiques des enfants. Dans les années 70, une commission est mise en place pour la première fois et l'expression « rythmes scolaires » fait son apparition. Se pose donc la question du découpage de l'année. On reprend la proposition de chercheurs d'alterner 2 semaines de repos et 7 semaines d'activité, mais le contexte de cette préconisation était bien différent : elle avait été faite pour des marins au long cours ou des employés de plateforme pétrolière, comme l'écrivait déjà en 1991 Guy Vermeil, un pédiatre qui s'est beaucoup intéressé à la question. Le 7/2 n'a rien à voir avec les enfants !

Les vacances de Toussaint ne servent à rien. Tout comme celles du printemps

Pourquoi ce principe perdure-t-il avec tant de constance depuis plus de 30 ans ?
En raison de l'industrie touristique, particulièrement celle qui est liée aux sports d'hiver. Les professionnels de la montagne ont par exemple obtenu que l'on avance les vacances de Pâques d'une semaine cette année en raison de l'enneigement des stations. C'est incroyable : seuls 8 % des Français vont aux sports d'hiver et au lieu d'inciter les stations à s'adapter au changement climatique, à proposer de nouvelles activités moins liées à la neige, alors qu'il y en aura de moins en moins, on adapte le calendrier scolaire de tous les Français à leurs exigences !
Quels seraient les principes d'un bon calendrier scolaire ?

Eh bien, déjà, il faudrait respecter les saisons. L'hiver est la période la plus difficile. Il fait froid, il fait nuit, le système immunitaire est affaibli. Cette année, faire rentrer les enfants le 3 janvier par exemple était une aberration. Je préconise trois semaines de vacances à cette période et une rentrée autour du 8 janvier. Deux semaines de congés, sur une période qui s'étendrait de février à début mars, sont utiles aussi. L'hiver est encore là, même si les jours sont un peu plus longs. En revanche, les vacances de Toussaint ne servent à rien. Tout comme celles du printemps.

Leurs « petites vacances », les enfants les passent surtout devant des écrans !
Mais cette année, pour les élèves en zone C, le 3e trimestre s'annonce déjà interminable !

Il y a suffisamment de jours fériés entre avril et mai pour que les enfants puissent se reposer, à condition là encore de faire preuve d'intelligence. Au lieu de donner 15 jours de vacances, instaurons quelques jours de repos entre les jours fériés, par exemple le 1er et 8 mai pour que les enfants bénéficient d'une semaine de vacances. Les parents pourraient poser des congés au même moment et profiter de ces jours en famille. Alors qu'aujourd'hui, quels parents arrivent à prendre 15 jours de vacances en novembre, décembre, février et mai ? Personne. D'ailleurs, très peu de familles partent 15 jours. Leurs « petites vacances », les enfants les passent surtout devant des écrans ! Quant aux week-ends prolongés à répétition de mai, ils ne font que perturber le rythme des enfants sans bénéfice pour eux.
Et ces grandes vacances d'été ? Ne faudrait-il pas les raccourcir ?
Ce n'est pas du tout une priorité selon moi. Ces deux mois de vacances, c'est un vrai temps pour qu'on lâche la bride aux enfants, qu'ils puissent flâner, paresser. C'est aussi favorable pour les parents séparés qui peuvent avoir leurs enfants un mois complet chacun leur tour. Et puis pensons aux lycéens. Beaucoup en profitent pour travailler pendant un mois. S'ils n'avaient que deux semaines de vacances pour se reposer, ce serait vraiment trop court ! Tout au plus pourrait-on rentrer une semaine plus tôt à la fin août…
Avez-vous fait ces propositions au ministère ?
Oui, bien sûr. Au moment de la grande consultation qui devait préparer la refondation scolaire, j'ai fait part de mes préconisations. J'ai même rencontré un conseiller de Vincent Peillon qui a constaté que ces enfants étaient en effet très fatigués début janvier au moment de la reprise. Mais quand il s'est agi de rallonger les vacances de Noël, il m'a répondu : où voulez-vous que je prenne la semaine ? Eh bien en novembre, en avril… Mais non. On parle sans arrêt de tenir compte des besoins des enfants, mais au moment de tout remettre à plat, il ne se passe jamais rien.
                                                                                  


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